À l’occasion du centenaire de la Révolution chinoise de 1911, Domenico Losurdo rappelle qu’elle fut d’abord l’affirmation d’une identité nationale face à l’impérialisme occidental. Alors que la Chine vient d’user de son veto au Conseil de sécurité et s’impose désormais comme une des principales puissances mondiales, il est difficile d’imaginer le mépris dans lequel elle était tenue au début du XXe siècle.
En Chine, a lieu en 1911 une révolution qui voit le renversement de la dynastie mandchou et la proclamation de la république. C’est Sun Yat-Sen qui, le premier, assure la charge de président. Celui-ci, bien que loin du marxisme, salue favorablement l’ascension des bolcheviques au pouvoir. L’explication qu’il fournit quelques années plus tard de son attitude est un terrible acte d’accusation contre le colonialisme et l’impérialisme : « Les Peaux-rouges d’Amérique ont déjà été exterminés » et l’ « extermination » menace aussi les autres peuples coloniaux. Leur situation est tragique ; si ce n’est que, « à l’improviste cent cinquante millions d’hommes de race slave se sont insurgés pour s’opposer à l’impérialisme, au capitalisme, aux injustices dans l’intérêt du genre humain ». Et ainsi, « naquit, sans que personne s’y attendit, un grand espoir pour l’humanité : la Révolution russe » ; oui « grâce à la Révolution russe, toute l’humanité était désormais animée par un grand espoir ». Bien sûr, la réponse de la réaction ne se fait pas attendre : « Les puissances ont attaqué Lénine parce qu’ils veulent détruire un prophète de l’humanité ».
- Sun Yat-sen (1866-1925), co-fondateur du Kuomintang (parti démocratique, socialiste et anti-impérialiste) et premier président de la République de Chine.
Plus de dix ans après, intervenant à la veille immédiate de la proclamation de la République Populaire, Mao rappelle l’histoire de son pays. Il évoque en particulier la résistance contre les puissances protagonistes des guerres de l’opium, la révolte des Taiping « contre les Ching serviteurs de l’impérialisme », la guerre contre le Japon de 1894-5, « la guerre contre l’agression des forces coalisées des huit puissances » (à la suite de la révolte des Boxers) et, enfin, « la Révolution de 1911 contre les Ching laquais de l’impérialisme ». Nombreuses luttes, autant de défaites.
Comment expliquer le renversement qui s’opère à un moment donné ?
« Pendant longtemps, au cours de ce mouvement de résistance, à savoir pendant plus de soixante-dix ans, de la Guerre de l’opium en 1840 jusqu’à la veille du Mouvement du 4 mai 1919, les Chinois n’eurent pas d’armes idéologiques pour se défendre contre l’impérialisme. Les vieilles et immuables armes idéologiques du féodalisme furent défaites, elles durent céder et furent déclarées hors d’usage. Faute de mieux, les Chinois furent obligés de s’armer d’outils idéologiques et de formules politiques comme la théorie de l’évolution, la théorie du droit naturel et de la république bourgeoise, toutes prises à l’arsenal de la période révolutionnaire de la bourgeoisie en Occident, patrie de l’impérialisme […] mais toutes ces armes idéologiques, comme celles du féodalisme se révélèrent très faibles ; elles furent retirées et déclarées hors d’usage.
La révolution russe de 1917 signe le réveil des Chinois, qui apprennent quelque chose de nouveau : le marxisme-léninisme. En Chine naît le Parti communiste, et c’est un événement qui fait date […]
Depuis qu’ils ont appris le marxisme-léninisme, les Chinois ont cessé d’être passifs intellectuellement et ils ont pris l’initiative. C’est à ce moment que devait se terminer la période de l’histoire mondiale moderne où les Chinois et la culture chinoise étaient regardés avec mépris ».
- Révoltés mis au pilori pour avoir attaqué des Européens.
Un cycle historique s’était refermé.
Traduction
Marie-Ange Patrizio
Marie-Ange Patrizio
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