Main basse sur l’or du Mali
- 08 Juin 2016
Avec une production moyenne de 70 tonnes par an, les mines d’or du Mali génèrent des centaines de milliards CFA. Mais l’Etat malien et les populations installées sur les sites n’y voient que du feu à cause, notamment, du système mafieux mis en place par les sociétés minières, avec la complicité tacite de la Banque mondiale.
« Parce qu’il n’a pas les moyens techniques d’extraire son or et que la Banque mondiale en a décidé ainsi, l’Etat malien n’est qu’un actionnaire minoritaire des entreprises exploitantes, présentes sur son sol ».Dans un rapport d’enquête, publié en 2007 déjà, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme(FIDH) lève un coin du voile sur la gestion faite de l’or malien par les multinationales. Troisième producteur mondiale d’or, après l’Afrique du Sud et le Ghana, le Mali n’en demeure pas moins l’un des pays les plus pauvres au monde.
Ce constat de la FIDH a été corroboré par d’autres rapports, élaborés par des organisations internationales. Selon le ministère malien des Mines, la valeur totale des exportations d’or a atteint, en 2014, 863 milliards CFA. Soit, plus de 70 % des recettes d’exportation totale du Mali. Mais elle n’a contribué au budget qu’à hauteur de 254,3 milliards CFA. Soit 25 % des recettes budgétaires et 8 % du PIB. Et comme si cela ne suffisait pas, les populations installées sur ce site n’y voient que de la poussière. La contribution totale des sociétés minières au développement local, est insignifiante. En 2014, seulement 1 milliard CFA avait été affecté à l’ensemble des villages de Kayes abritant ces mines.
Espoirs déçus
« Les attentes des communautés locales, en ce qui concerne l’amélioration du niveau de vie socio-économique (éducation, formation, création d’emplois, réalisation d’infrastructures) ne sont pas comblées », indique un élu local.
Et Mr Amadou Konaré, opérateur économique de cette localité d’ajouter : « Franchement, nous ne savons pas ce que l’exploitation minière a rapporté aux populations de Syama, Fourou, et du cercle de Kadiolo. La preuve, c’est que la SOMISY (Société Minière de Syama) n’est pas parvenue à bitumer un tronçon de moins de 100 km, entre la mine et la route nationale reliant le Mali à la Côte-d’Ivoire. Pendant l’hivernage, cet axe est impraticable. Sans compter que les populations de Fourou souffrent toujours d’une grave pénurie d’eau en saison sèche ».
Face à la réaction des populations, la SOMISY rappelle avoir doté le village de Fourou d’un lycée public, d’une salle de spectacle, d’un château d’eau et de salles de classes. Insuffisant, jugent les populations au regard des centaines de milliards CFA générés, chaque année, par les mines de cette localité.
Et l’ONG britannique, Alert, de rappeler, dans son rapport international que les « communautés à la base bénéficient peu de l’exploitation minière » dans la région de Kayes. Dans le domaine des emplois, les attentes sont loin d’être comblées. Faute d’emplois bien rémunérés dans les mines, les jeunes des localités abritant les mines se voient obligés d’émigrer. Soit vers l’Europe soit vers les villes.
Et un universitaire, originaire de cette localité, de pointer un doigt accusateur vers le gouvernement, qui ne fait rien, ou presque, pour défendre ses intérêts. Et ceux des populations locales : « Nous ne devons pas en vouloir aux sociétés minières, mais au gouvernement et surtout à nos élus, qui ne défendent pas comme il se doit les intérêts communautaires ».
De son côté, le gouvernement explique cette situation par le manque de coordination entre les actions des différentes sociétés minières opérant dans les mêmes zones géographiques. Ainsi, dit-il, chaque société minière dispose d’un plan de développement communautaire qu’elle met en œuvre, sans concertation avec les autres. En clair, la mise en œuvre du plan de développement local est laissée au bon vouloir des sociétés minières.
L’origine de ce paradoxe
A l’origine de ce paradoxe, un plan diabolique, pensé et mis en œuvre par la Banque mondiale, au profit des multinationales. Surendetté, le Mali n’avait d’autre choix que de se soumettre au Programme d’Ajustement Structurel(PAS). Une ordonnance prescrite à notre pays par le « médecin de Brettons-Wood » : la Banque mondiale. C’était dans les années 80.
Pour elle, les Etats africains sont inaptes à disposer d’une industrie minière, c’est-à-dire, trop pauvres pour assumer des investissements liés aux capacités techniques des industries minières. Du coup, son diagnostic tombe comme un couperet : exiger de nos pays qu’ils se dotent d’un code minier attractif, c’est-à-dire, profitable aux multinationales.
C’est ainsi qu’en 1995, près de 35 pays africains réforment leur code minier. Au Mali, la réforme du code minier est intervenue dès 1991. Car la toute puissante Banque mondiale menaçait de fermer le « robinet à sous » à notre pays. Et ce qui devrait arriver, arriva.
L’Etat malien clochardisé
La brèche étant ouverte, les multinationales s’y engouffrent. Avec, sous leurs bras, leurs capitaux. Elles lèvent des fonds à la bourse de Toronto (Canada) des fonds destinés à l’Afrique. Notamment, au secteur minier.
Au Mali, trois multinationales détiennent le monopole de l’or : Anglogold Ashanti, Rangold et Iamgold.
Selon le rapport d’enquête de la FIDH, la mine d’or de Morila est la parfaite illustration de la gestion mafieuse des mines d’or du Mali par les sociétés minières.
En juillet 2000, explique le rapport, Rangold cède 40 % de son permis d’exploitation à Anglogold. Ensemble, elles créent Morila Limited qui, avec l’Etat malien, actionnaire à hauteur de 20 %, donnera naissance à une société fantôme, dénommée « Morila- SA ». C’est cette dernière qui énumère Anglogold Ashanti – services Mali –SA comme opérateur minier. Ainsi 1 % des ventes d’or lui reviennent, au titre de frais de gestion. A titre d’exemple, cette société fantoche a perçu, en 2005, un million de dollars de frais de consultation. Pour avoir fait quoi ? Vous demandez-vous ! Rien !
Autre exemple de la gestion mafieuse de l’or malien par les sociétés minières, selon la FIDH : Morila- SA, à son tour, ne traite que le minerai extrait. Son extraction, elle, est confiée à une autre société : SOMADEX.
Filiale du Groupe français Bouygues, cette société s’attribue la part du lion. Pour avoir investi dans le matériel d’extraction du minerai. Voilà, schématiquement, comment les fonds générés par l’or malien, sont repartis entre les multinationales et les sociétés de sous-traitance.
A noter que la mine d’or de Morila arrive à épuisement. De classe mondiale, elle est contrôlée à 40 % par Anglogold Ashanti ; 40 % par Rangold- Ressources et 20 % par l’Etat malien. En quinze ans d’exploitation, elle a produit plus de 6 millions d’onces d’or. Mais elle n’a rapporté, à l’issue de ces 15 ans d’exploitation, que 2 pauvres milliards de dollars.
A noter que la mine d’or de Morila arrive à épuisement. De classe mondiale, elle est contrôlée à 40 % par Anglogold Ashanti ; 40 % par Rangold- Ressources et 20 % par l’Etat malien. En quinze ans d’exploitation, elle a produit plus de 6 millions d’onces d’or. Mais elle n’a rapporté, à l’issue de ces 15 ans d’exploitation, que 2 pauvres milliards de dollars.
L’Etat malien et la portion congrue
Au cours de sa conférence de presse, organisée la semaine dernière, l’Organisation internationale Publiez Ce Que vous Payez, en abrégé PCQVP, dénonce le manque à gagner, accusé par l’Etat, suite aux exonérations accordées aux sociétés minières.
« Les contrats miniers révèlent, malgré une évolution positive, plusieurs problèmes qui sont à l’origine des manque à gagner considérables pour l’Etat malien. Parmi ces problèmes, on peut citer les nombreuses exonérations accordées aux sociétés minières, ainsi que les clauses de stabilité contenues dans les contrats miniers », déplore le rapport de PCQVP. Et le même rapport de préciser : « Nous avons constaté une baisse progressive d’impôts au profit des sociétés minières au Mali. Le code minier de 1999 consacre au trésor malien 35 % de leurs bénéfices, au lieu des 45 % prévus en 1991. Le code 2012 stipule, lui, un versement de seulement 30 % des bénéfices au trésor malien », regrette Nouhoun Diakité, coordinateur du PCQVP.
Aussi, les auteurs de ce rapport déplorent le manque d’expériences des personnes chargées de négocier ces contrats.
Bref, vingt ans après le boom de l’exploitation aurifère au Mali, les populations attendent toujours de bénéficier de ses retombées. Nommé ministre des Mines dans le gouvernement Tatam Ly, Dr Boubou Cissé, actuellement ministre de l’Economie et des Finances, avait promis un « inventaire complet de tous les contrats miniers ….S’il y a des contrats qu’il est nécessaire de revoir dans l’intérêt du Mali, nous entamerons des négociations avec les partenaires concernés ». Trois ans après, cette promesse est restée sans lendemain.
Source : Maliactu
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