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26 janvier 2015
Le roi Abdallah d'Arabie Saoudite est décédé ce jeudi à l'âge de 90 ans après avoir dirigé d’une main de fer le royaume réactionnaire pendant 20 ans. Allié inconditionnel des gouvernements impérialistes occidentaux, il est resté dans la lignée de ses prédécesseurs : soumission aux États-Unis, violation systématique des droits de l'homme, financement de groupes fanatiques djihadistes... La marionnette par excellence.
L’Arabie Saoudite, le plus grand des serviteurs de l’Occident
Depuis sa fondation par Abdel Aziz Ibn Saoud en 1932, le royaume d’Arabie Saoudite n’a cessé de servir les intérêts des puissances occidentales. D’abord ceux du Royaume-Uni, protecteur de la famille Saoud, qui avait aidé les Saoud à fonder leur royaume pour profiter de la position stratégique du pays. Non seulement pour s’assurer du commerce avec ses anciennes colonies mais également en l’utilisant pour contrer l’influence de l’Empire Ottoman. Puis, ce fut au tour des États-Unis d’imposer leur domination dans le pays. Le deal était simple : en échange d’un soutien financier et militaire, le royaume s’engageait à fournir aux États-Unis un pétrole bon marché et des bases militaires ainsi qu’à jouer le rôle de « gendarme » de la région en déstabilisant les pays désireux d’affirmer leur indépendance et de choisir une autre voie que celle de l’inféodation à l’empire états-unien. Financement de groupes fanatiques djihadistes et instrumentalisation de l’islam furent, entre autres, les outils utilisés pour déstabiliser ces pays.
Le clan des Saoud dirige le pays d’une main de fer depuis presque un siècle. Ainsi, tous les rois qui se sont succédé ont toujours suivi les mêmes orientations, tant dans la politique intérieure qu’extérieure. Voilà pourquoi il n’est pas vraiment nécessaire de s’arrêter sur un roi en particulier, étant donné que tous ont pratiqué la même politique. Preuve en est, le nouveau roi Salman a affirmé qu’il continuerait sur la même ligne que son prédécesseur. Depuis l’annonce de la mort d’Abdallah, les chancelleries occidentales ont toutes salué la « mémoire » du roi défunt. Hollande, Cameron, Obama, Harper... tous ont accouru pour aller rendre hommage au tyran et n’ont pas hésité à faire l’éloge de son action. Il est donc temps de dresser une analyse comparative des déclarations et de la réalité.
Le roi Abdallah, un pacifiste ?
A entendre certains dirigeants européens et nord-américains, on se demande parfois s’ils sont vraiment conscients des propos qu’ils tiennent. Prennent-ils les citoyens pour des abrutis ou croient-ils réellement à ce qu’ils disent ? Je pencherais pour la première option car un des éloges rendus au roi saoudien a été de le qualifier de « pacifiste ». François Hollande a en effet « salué la mémoire d’un homme d’État dont l’action a profondément marqué l’histoire de son pays et dont la vision d’une paix juste et durable au Moyen-Orient reste d’actualité ». David Cameron a, lui, exprimé sa profonde tristesse en saluant « l’engagement du roi en faveur de la paix ». De son côté, le premier ministre du Canada (la semi-colonie des États-Unis) a fait très fort. Il a en effet qualifié le roi « d’ardent défenseur de la paix » avant d’ajouter : « Nous sommes de tout cœur avec le peuple saoudien et nous PLEURONS le départ de ce GRAND homme ».
On peut au moins saluer le sacré culot de nos dirigeants. Mais ce n’est pas tout. Au-delà d’être un pacifiste, le roi Abdallah aurait été un dirigeant combattant le « terrorisme », le président français confirmant que lui et le dictateur entretenaient des « relations pour lutter contre le terrorisme ». Des déclarations tenues face à la presse qui n’ont pas eu l’air de choquer les journalistes.
Le roi Abdallah et dans une plus large mesure la famille Saoud qui dirige ce pays sont-ils vraiment des pacifistes ?
Ont-ils vraiment lutté contre le terrorisme comme le laissent entendre les gouvernants occidentaux ?
L’histoire et le présent indiquent pourtant le contraire. L’Arabie Saoudite a toujours été un allié stratégique des États-Unis. Le royaume a été utilisé par Washington dans le but de déstabiliser des mouvements nationalistes et indépendantistes. En effet, pour Ryad, les dirigeants nationalistes comme Nasser ou Khomenei représentaient une menace pour la survie de la famille royale. L’exemple égyptien ou iranien aurait en effet pu servir de modèle au peuple saoudien, victime de l’oppression et de la tyrannie de ses dirigeants.
En Iran, lorsque la révolution islamique triomphe en 1979, l’Arabie Saoudite prend peur car désormais une puissante nation va lui faire face. L’Iran venait de se débarrasser du Shah et le pays était bien décidé à se développer de manière indépendante. En 1981, le roi Khaled tenta de corrompre un colonel de l’aviation iranienne pour renverser le guide spirituel mais sans succès. Le royaume saoudien, en étroite collaboration avec Washington, décida alors de se tourner vers Saddam Hussein pour le convaincre d’attaquer l’Iran. Saddam accepta. Bilan : plus d’un million de morts. Belle leçon de pacifisme !
On peut au moins saluer le sacré culot de nos dirigeants. Mais ce n’est pas tout. Au-delà d’être un pacifiste, le roi Abdallah aurait été un dirigeant combattant le « terrorisme », le président français confirmant que lui et le dictateur entretenaient des « relations pour lutter contre le terrorisme ». Des déclarations tenues face à la presse qui n’ont pas eu l’air de choquer les journalistes.
Le roi Abdallah et dans une plus large mesure la famille Saoud qui dirige ce pays sont-ils vraiment des pacifistes ?
Ont-ils vraiment lutté contre le terrorisme comme le laissent entendre les gouvernants occidentaux ?
L’histoire et le présent indiquent pourtant le contraire. L’Arabie Saoudite a toujours été un allié stratégique des États-Unis. Le royaume a été utilisé par Washington dans le but de déstabiliser des mouvements nationalistes et indépendantistes. En effet, pour Ryad, les dirigeants nationalistes comme Nasser ou Khomenei représentaient une menace pour la survie de la famille royale. L’exemple égyptien ou iranien aurait en effet pu servir de modèle au peuple saoudien, victime de l’oppression et de la tyrannie de ses dirigeants.
En Iran, lorsque la révolution islamique triomphe en 1979, l’Arabie Saoudite prend peur car désormais une puissante nation va lui faire face. L’Iran venait de se débarrasser du Shah et le pays était bien décidé à se développer de manière indépendante. En 1981, le roi Khaled tenta de corrompre un colonel de l’aviation iranienne pour renverser le guide spirituel mais sans succès. Le royaume saoudien, en étroite collaboration avec Washington, décida alors de se tourner vers Saddam Hussein pour le convaincre d’attaquer l’Iran. Saddam accepta. Bilan : plus d’un million de morts. Belle leçon de pacifisme !
Le clan des Saoud est une famille extrêmement réactionnaire et fermement attachée au pouvoir. C’est pourquoi elle obéit comme un vassal à Washington, son grand protecteur, et a toujours tout mis en œuvre pour détruire une nation ennemie. Concernant le roi Abdallah en particulier, il aurait donc prôné la paix ? Vraiment ? N’a-t-il pas envoyé son armée le 14 mars 2011 afin de réprimer des manifestations pacifiques à Bahreïn ? Cette féroce répression n’a-t-elle pas fait 76 morts du côté des manifestants ? Chers François Hollande, David Cameron, Stéphane Harper, votre mémoire vous fait-elle défaut ? Et enfin, n’oublions pas un événement très important qui a eu lieu le 3 juillet 2013 : Le coup d’État du général Al-Sissi en Égypte contre Mohammed Morsi. S’en est suivi une répression impitoyable contre les partisans des frères musulmans qui a entraîné la mort de plus de 1000 personnes. Un massacre réalisé avec la bénédiction de...l’Arabie Saoudite qui n’a cessé de soutenir Le Caire. Nous avons là l’exemple parfait qui démontre la mémoire sélective avec laquelle les chefs d’État et de gouvernement occidentaux traitent l’histoire. Apparemment, massacrer des manifestants pacifiques dans un pays allié des puissances du Nord ne semble pas être un problème.
Intéressons nous maintenant au fameux « terrorisme ». Ce mot voyageur que tous nos médias et dirigeants utilisent et qui ne semble plus signifier grand-chose. Le roi Abdallah aurait été un allié de l’Occident dans la lutte contre le « terrorisme ». Pourtant ni les puissances impérialistes ni l’Arabie Saoudite n’ont lutté contre le « terrorisme », bien au contraire. Notons tout d’abord que l’Europe de l’Ouest, les États-Unis et l’Arabie Saoudite partagent, parmi leurs nombreux points communs, celui essentiel de la haine viscérale envers le communisme. C’est par ailleurs pour cela que Ryad éprouvait une haine aussi profonde envers l’Égypte de Nasser, grand allié de l’Union Soviétique. L’Arabie Saoudite serait donc un pays qui combat le terrorisme.
Alors pourquoi a-t-elle financé et armé, avec l’aide des États-Unis, des fondamentalistes fanatiques, des moudjahidin pour lutter contre le gouvernement socialiste de Nour Mohammad Taraki en Afghanistan avant même que l’Union soviétique n’envahisse le pays ?
L’Arabie Saoudite a financé sans problème le terrorisme et cela n’a jamais gêné les chancelleries occidentales. Et, plus récemment, quel pays ne cesse d’envoyer des armes et de financer les groupes djihadistes et terroristes en Syrie ? Encore l’Arabie Saoudite pour qui la « fin justifie les moyens ».
Alors pourquoi a-t-elle financé et armé, avec l’aide des États-Unis, des fondamentalistes fanatiques, des moudjahidin pour lutter contre le gouvernement socialiste de Nour Mohammad Taraki en Afghanistan avant même que l’Union soviétique n’envahisse le pays ?
L’Arabie Saoudite a financé sans problème le terrorisme et cela n’a jamais gêné les chancelleries occidentales. Et, plus récemment, quel pays ne cesse d’envoyer des armes et de financer les groupes djihadistes et terroristes en Syrie ? Encore l’Arabie Saoudite pour qui la « fin justifie les moyens ».
Je vous propose de terminer avec la palme d’or des déclarations suite à la mort du roi Abdallah. La palme est décernée à Christine Lagarde, directrice générale du FMI qui a déclaré tout tranquillement que le roi était « d’une manière discrète, un GRAND DEFENSEUR DES FEMMES ». Apparemment, Madame Lagarde ne semble pas avoir peur du ridicule mais il semble qu’elle puisse sans crainte se permettre de tenir ces propos puisque tous les journalistes en face d’elle se sont tus, aucun n’a bronché. Belle déontologie journalistique. Si Abdallah était défenseur des femmes, il était en effet fort discret. Interdire aux femmes de conduire, de voyager ou d’être admises seules dans un hôpital, leur interdire de voter, les lapider lorsqu’elles commettent un adultère, est-ce l’attitude d’un « défenseur des femmes » ? Christine Lagarde ne devrait-elle pas être jugée pour apologie de la violation des droits de l’homme ?
Amnésie médiatique et droits de l’homme à géométrie variable
Analyser l’actualité nous mène automatiquement à nos chers médias. Comment les professionnels de la propagande et du mensonge ont-ils abordé la mort du roi Abdallah ? Tous plus ou moins de la même manière. On retiendra notamment la présentation que France 24 a faite du tyran en le qualifiant de « garant de la stabilité ». L’Arabie Saoudite qui, à travers le financement de fanatiques religieux embrasant tout le Moyen-Orient, a soutenu le coup d’État du général Al Sissi en Égypte est selon la chaîne d’information internationale française un « garant de la stabilité ».
Mais de quelle stabilité parlent-ils ? Peut-être celle qui a permis au pouvoir de se maintenir à Bahreïn ? La stabilité dans le sang, c’est peut-être cela que salue France 24 ? Les autres médias dominants ont évoqué le sujet saoudien en lui consacrant cinq minutes environ. Une minute pour montrer les images de l’arrivée des dirigeants occidentaux à Riyad, une minute pour évoquer le bilan positif d’Abdallah, une minute trente pour présenter son successeur et ce qui l’attend à la tête du pays et une minute trente pour évoquer les violations des droits de l’homme.
On avait pourtant connu nos médias plus indignés et plus révoltés, notamment lorsqu’il s’agissait de défendre la liberté d’expression. Ils ont à peine évoqué le sort du jeune blogueur Raif Badawi, condamné par le régime à 1000 coups de fouet et dont le sort ne semble pas horrifier la presse. Alors que, quand la jeune Iranienne Sakineh fut menacée de lapidation, les médias se sont largement indignés et Bernard Henri Lévy, chemise ouverte sur le poitrail, a pu exprimer toute son émotion sur les plateaux de télévisions. Si les médias ont donc parlé des violations des droits de l’homme, il faut dire qu’il aurait été difficile de ne pas évoquer le sujet. Mais alors pourquoi éludent-ils ce sujet quand un événement touche l’Arabie Saoudite.
Pourquoi ne sont-ils pas plus offensifs et insistants sur la question saoudienne ?
Oublient-ils que les femmes sont traitées comme des objets, des sous-espèces humaines ?
Oublient-ils qu’on coupe la main des voleurs ?
Qu’on lapide les femmes ?
Qu’on emprisonne tous ceux qui osent critiquer même timidement le pouvoir en place ?
Étrange amnésie des médias qui ne disent jamais un mot sur les violations des droits de l’homme dans les pays alliés de l’Occident : le Mexique, Bahreïn, l’Égypte, le Paraguay...Pourtant ils n’hésitent pas à condamner en permanence les « régimes » iranien, russe ou encore vénézuélien.
Des nations qui bien évidemment ne se soumettent pas aux intérêts des puissances de l’OTAN et qui entendent se développer de manière autonome et indépendante en formant dans ce but un « bloc du sud » anti-impérialiste et anticolonial. Prenons un exemple concret afin de comparer le traitement médiatique sur un sujet précis : la mort d’un dirigeant. Nous avons vu comment Paris, Londres ou encore Ottawa ont réagi à la mort du roi despote. Souvenez-vous du traitement médiatique suite à la mort du commandante Hugo Chavez. Le son de cloche était totalement différent. Quelques secondes pour montrer les avancées sociales et économique impulsées par Chavez et on passait vite à l’aspect critique. Et là, on avait droit aux habituelles accusations de « despotisme », de « populisme » du président Chavez. Grand défenseur la souveraineté populaire, il a été calomnié voire insulté en Occident alors qu’il avait remporté 14 des 15 scrutins organisés sous sa présidence. En fait, Chavez était le « mauvais élève » du Tiers-Monde puisqu’il avait osé s’opposer aux multinationales en nationalisant des pans entiers de l’économie. Abdallah, lui était le « bon élève du Tiers-Monde », le « bon arabe », le meilleur des valets.
Enfin, finissons avec les gouvernements occidentaux. Leur attitude en dit long sur leur cynisme et leur hypocrisie. Rappelons qu’aucun dirigeant occidental n’était présent lors des funérailles d’Hugo Chavez, un dirigeant qui avait pourtant réellement œuvré en faveur de la paix. Il était en effet intervenu en tant que médiateur dans le dialogue entre le gouvernement colombien et les FARC. Il avait énormément travaillé pour qu’émerge enfin un processus de paix. Et puis, il avait soutenu avec la Ligue Africaine une solution pacifique en Libye pour éviter ce qui s’est passé par la suite avec les hordes criminelles de Washington, Londres et Paris. Cette homme était un « grand défenseur des femmes » et pas discrètement. En effet, sa nouvelle constitution donne un statut nouveau à la femme. Par exemple, une femme au foyer est désormais considérée comme une travailleuse à part entière et reçoit donc un salaire de l’État.
Cette comparaison entre deux sujets similaires peut mettre en lumière le vrai visage des puissances impérialistes et néocoloniales. Elles prônent officiellement la démocratie, les droits de l’homme mais n’hésitent pas à soutenir et financer les pays et les organisations les plus obscurantistes et réactionnaires comme l’Arabie Saoudite, le Qatar, l’Égypte. Un soutien dans le but de préserver leurs intérêts et d’affaiblir les principaux concurrents comme la Chine. Au fond, les dirigeants occidentaux se foutent royalement des valeurs démocratiques et humaines. Ce qui les intéresse, c’est l’argent, les matières premières.
Henry Kissinger avait très bien résumé l’esprit qui anime ces pays « Si nous devons choisir entre la démocratie et nos intérêts, nous choisirons toujours nos intérêts » On a vu ce que ça a donné au Chili... Tous ces discours à la gloire de l’État de droit et au respect des droits de l’homme sont de véritables escroqueries intellectuelles. Déjà, nos nations occidentales ne sont elles-mêmes pas des démocraties mais des oligarchies. Elles n’ont donc aucune leçon à donner. Et, concernant les droits de l’homme, je ne pense pas que la France ou encore l’Angleterre soit bien placée pour dire au reste du monde ce qu’il convient de faire. Leur lourd passé colonial et leur présent néocolonial devrait les inciter à se taire.
Quant à l’Arabie Saoudite, elle va continuer à jouer le rôle du bon serviteur des États-Unis. Le pétrole va continuer à être quasi gratuit et le royaume va poursuivre sa mission de nation mercenaire au service de Washington. Enfin, rien ne devrait changer sur le plan intérieur. Les exécutions et les lapidations vont continuer à faire partie du paysage saoudien et ce, avec la bénédiction des États-Unis et de leurs alliés. Néanmoins, Riyad a peur. Peur de disparaître ou du moins de perdre de sa force au Moyen-Orient. Cette monarchie obscurantiste ne sait pas de quoi demain sera fait. Elle s’interroge et devient de plus en plus violente et belliciste. Après l’intervention à Bahreïn, le régime saoudien a tenté de renverser Bashar Al Assad en finançant des groupes terroristes. Mais derrière Al-Assad, c’est tout l’arc chiite Iran-Syrie-Hezbollah libanais qui est visé. En essayant indirectement de faire tomber Assad, Riyad essaie d’affaiblir Téhéran. Car le voilà son véritable ennemi dans la région.
Les deux pays se disputent le leadership au Moyen-Orient et chacun des deux pays a choisi son camp. Pour l’Arabie Saoudite, l’allié est Washington. Pour Téhéran, c’est Moscou et surtout Pékin. Les États-Unis sont en plein déclin et l’Arabie Saoudite n’est pas sûre de pouvoir bénéficier éternellement de l’aide états-unienne. Une chose est sûre : si demain Washington n’est plus en mesure de protéger l’Arabie Saoudite, le royaume s’effondrera. Et, comme les États-Unis sont en pleine crise économique et civilisationnelle, cette option est plus que jamais envisageable, peut-être plus tôt qu’on ne le croit.
Mais de quelle stabilité parlent-ils ? Peut-être celle qui a permis au pouvoir de se maintenir à Bahreïn ? La stabilité dans le sang, c’est peut-être cela que salue France 24 ? Les autres médias dominants ont évoqué le sujet saoudien en lui consacrant cinq minutes environ. Une minute pour montrer les images de l’arrivée des dirigeants occidentaux à Riyad, une minute pour évoquer le bilan positif d’Abdallah, une minute trente pour présenter son successeur et ce qui l’attend à la tête du pays et une minute trente pour évoquer les violations des droits de l’homme.
On avait pourtant connu nos médias plus indignés et plus révoltés, notamment lorsqu’il s’agissait de défendre la liberté d’expression. Ils ont à peine évoqué le sort du jeune blogueur Raif Badawi, condamné par le régime à 1000 coups de fouet et dont le sort ne semble pas horrifier la presse. Alors que, quand la jeune Iranienne Sakineh fut menacée de lapidation, les médias se sont largement indignés et Bernard Henri Lévy, chemise ouverte sur le poitrail, a pu exprimer toute son émotion sur les plateaux de télévisions. Si les médias ont donc parlé des violations des droits de l’homme, il faut dire qu’il aurait été difficile de ne pas évoquer le sujet. Mais alors pourquoi éludent-ils ce sujet quand un événement touche l’Arabie Saoudite.
Pourquoi ne sont-ils pas plus offensifs et insistants sur la question saoudienne ?
Oublient-ils que les femmes sont traitées comme des objets, des sous-espèces humaines ?
Oublient-ils qu’on coupe la main des voleurs ?
Qu’on lapide les femmes ?
Qu’on emprisonne tous ceux qui osent critiquer même timidement le pouvoir en place ?
Étrange amnésie des médias qui ne disent jamais un mot sur les violations des droits de l’homme dans les pays alliés de l’Occident : le Mexique, Bahreïn, l’Égypte, le Paraguay...Pourtant ils n’hésitent pas à condamner en permanence les « régimes » iranien, russe ou encore vénézuélien.
Des nations qui bien évidemment ne se soumettent pas aux intérêts des puissances de l’OTAN et qui entendent se développer de manière autonome et indépendante en formant dans ce but un « bloc du sud » anti-impérialiste et anticolonial. Prenons un exemple concret afin de comparer le traitement médiatique sur un sujet précis : la mort d’un dirigeant. Nous avons vu comment Paris, Londres ou encore Ottawa ont réagi à la mort du roi despote. Souvenez-vous du traitement médiatique suite à la mort du commandante Hugo Chavez. Le son de cloche était totalement différent. Quelques secondes pour montrer les avancées sociales et économique impulsées par Chavez et on passait vite à l’aspect critique. Et là, on avait droit aux habituelles accusations de « despotisme », de « populisme » du président Chavez. Grand défenseur la souveraineté populaire, il a été calomnié voire insulté en Occident alors qu’il avait remporté 14 des 15 scrutins organisés sous sa présidence. En fait, Chavez était le « mauvais élève » du Tiers-Monde puisqu’il avait osé s’opposer aux multinationales en nationalisant des pans entiers de l’économie. Abdallah, lui était le « bon élève du Tiers-Monde », le « bon arabe », le meilleur des valets.
Enfin, finissons avec les gouvernements occidentaux. Leur attitude en dit long sur leur cynisme et leur hypocrisie. Rappelons qu’aucun dirigeant occidental n’était présent lors des funérailles d’Hugo Chavez, un dirigeant qui avait pourtant réellement œuvré en faveur de la paix. Il était en effet intervenu en tant que médiateur dans le dialogue entre le gouvernement colombien et les FARC. Il avait énormément travaillé pour qu’émerge enfin un processus de paix. Et puis, il avait soutenu avec la Ligue Africaine une solution pacifique en Libye pour éviter ce qui s’est passé par la suite avec les hordes criminelles de Washington, Londres et Paris. Cette homme était un « grand défenseur des femmes » et pas discrètement. En effet, sa nouvelle constitution donne un statut nouveau à la femme. Par exemple, une femme au foyer est désormais considérée comme une travailleuse à part entière et reçoit donc un salaire de l’État.
Cette comparaison entre deux sujets similaires peut mettre en lumière le vrai visage des puissances impérialistes et néocoloniales. Elles prônent officiellement la démocratie, les droits de l’homme mais n’hésitent pas à soutenir et financer les pays et les organisations les plus obscurantistes et réactionnaires comme l’Arabie Saoudite, le Qatar, l’Égypte. Un soutien dans le but de préserver leurs intérêts et d’affaiblir les principaux concurrents comme la Chine. Au fond, les dirigeants occidentaux se foutent royalement des valeurs démocratiques et humaines. Ce qui les intéresse, c’est l’argent, les matières premières.
Henry Kissinger avait très bien résumé l’esprit qui anime ces pays « Si nous devons choisir entre la démocratie et nos intérêts, nous choisirons toujours nos intérêts » On a vu ce que ça a donné au Chili... Tous ces discours à la gloire de l’État de droit et au respect des droits de l’homme sont de véritables escroqueries intellectuelles. Déjà, nos nations occidentales ne sont elles-mêmes pas des démocraties mais des oligarchies. Elles n’ont donc aucune leçon à donner. Et, concernant les droits de l’homme, je ne pense pas que la France ou encore l’Angleterre soit bien placée pour dire au reste du monde ce qu’il convient de faire. Leur lourd passé colonial et leur présent néocolonial devrait les inciter à se taire.
Quant à l’Arabie Saoudite, elle va continuer à jouer le rôle du bon serviteur des États-Unis. Le pétrole va continuer à être quasi gratuit et le royaume va poursuivre sa mission de nation mercenaire au service de Washington. Enfin, rien ne devrait changer sur le plan intérieur. Les exécutions et les lapidations vont continuer à faire partie du paysage saoudien et ce, avec la bénédiction des États-Unis et de leurs alliés. Néanmoins, Riyad a peur. Peur de disparaître ou du moins de perdre de sa force au Moyen-Orient. Cette monarchie obscurantiste ne sait pas de quoi demain sera fait. Elle s’interroge et devient de plus en plus violente et belliciste. Après l’intervention à Bahreïn, le régime saoudien a tenté de renverser Bashar Al Assad en finançant des groupes terroristes. Mais derrière Al-Assad, c’est tout l’arc chiite Iran-Syrie-Hezbollah libanais qui est visé. En essayant indirectement de faire tomber Assad, Riyad essaie d’affaiblir Téhéran. Car le voilà son véritable ennemi dans la région.
Les deux pays se disputent le leadership au Moyen-Orient et chacun des deux pays a choisi son camp. Pour l’Arabie Saoudite, l’allié est Washington. Pour Téhéran, c’est Moscou et surtout Pékin. Les États-Unis sont en plein déclin et l’Arabie Saoudite n’est pas sûre de pouvoir bénéficier éternellement de l’aide états-unienne. Une chose est sûre : si demain Washington n’est plus en mesure de protéger l’Arabie Saoudite, le royaume s’effondrera. Et, comme les États-Unis sont en pleine crise économique et civilisationnelle, cette option est plus que jamais envisageable, peut-être plus tôt qu’on ne le croit.
Source :
Investig’Action
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