Les maisons de 18 familles palestiniennes ont été détruites le 4 juin
(Jérusalem, le 13 juin 2009) - Le gouvernement israélien doit immédiatement cesser de démolir des maisons et propriétés palestiniennes en Cisjordanie et doit offrir une compensation aux personnes déplacées, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Les autorités israéliennes ont détruit les maisons et les propriétés de 18 familles de bergers dans le nord de la vallée du Jourdain le 4 juin 2009, déplaçant environ 130 personnes, après leur avoir intimé l'ordre d'évacuer le 31 mai sous prétexte qu'ils vivaient dans une « zone militaire fermée ». Certaines des familles dont les maisons et les propriétés ont été détruites vivaient dans ce village depuis au moins les années 1950.
« Donner à des familles moins d'une semaine pour quitter leur maison, sans aucune possibilité de révision ou d'appel, est injuste voire cruel », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice Moyen-Orient au sein de Human Rights Watch. « Israël aurait dû donner à ces personnes la possibilité de contester leur déplacement. »
A 7h30, le matin du 4 juin, des témoins ont déclaré avoir vu arriver environ 20 jeeps des Forces Israéliennes de Défense (FID), trois bulldozers et plusieurs voitures blanches appartenant à l'Autorité de l'Administration Civile israélienne, lesquels ont bloqué les routes d'accès en terre au bidonville d'Ar-Ras al-Ahmar. L'opération de démolition a commencé à 8h, et a détruit 13 structures résidentielles, 19 enclos pour animaux et 18 fours traditionnels enterrés, selon l'Office de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) des Nations Unies. Les 18 familles déplacées comprenaient 67 enfants, a rapporté l'agence. Les soldats israéliens ont également confisqué un tracteur, une remorque et un réservoir d'eau portable qui était utilisé par les résidents pour stocker de l'eau, ont déclaré des témoins.
Des membres des Forces Israéliennes de Défense et de l'autorité de l'administration civile ont délivré des ordres d'expulsion et d'arrêt de construction à 30 familles, comprenant environ 250 personnes, vers 5 heures du matin le 31 mai à Ar-Ras al-Ahmar et dans la communauté voisine de Hadidiyya, selon des témoins et Tawfiq Jabarin, l'avocat de certaines des familles. Les ordres spécifiaient que les 18 familles d'Ar-Ras al-Ahmar habitaient dans une zone militaire fermée et leur donnaient 24 heures pour partir, sans aucune possibilité d'appel.
Les autorités israéliennes ont déclaré cet espace « zone militaire fermée »« il est dangereux de vivre là. Ils [les résidents] peuvent être blessés par des munitions ou des exercices militaires. » Le Bureau de Liaison n'a pas donné d'explications quant à l'émission de cet ordre longtemps après que la zone ait été déclarée fermée, cependant cette pratique n'est pas inhabituelle, selon des organisations non-gouvernementales israéliennes et palestiniennes. il y a de nombreuses années et pouvaient publier un ordre d'expulsion à tout moment. Le Bureau de Liaison et de Coordination du District (DCL) de l'administration civile israélienne a déclaré à Human Rights Watch que les ordres d'expulsion avaient été émis car
Me Jabarin a déclaré à Human Rights Watch qu'après les démolitions opérées le 4 juin, « la plupart des personnes déplacées ont réinvesti une partie différente d'Ar-Ras al-Ahmar, quelques 300 mètres plus loin, et que l'armée et revenue, la nuit de samedi [le 6 juin], et leur a dit qu'ils devaient partir. » Les déplacés dépendent de l'aide d'urgence, a-t-il déclaré.
Selon un ordre militaire datant de 1970, le gouvernement peut expulser toute personne vivant sur une « zone militaire fermée » sans aucune procédure judiciaire ou administrative. La section 90 de cet ordre prévoit que les « résidents permanents » peuvent demeurer dans une zone déclarée « fermée » ultérieurement, et que les ordres d'expulsion ne peuvent pas modifier leur statut de « résidents permanents ». Cependant, la Haute Cour de Justice israélienne a statué que, comme les bergers dans cette zone sont des nomades, le terme « résidents permanents » ne s'applique pas.
Pour les résidents, Ar-Ras al-Ahmar et Al-Hadidiyya existent depuis les années 1950 au moins. La colonie israélienne de Ro'i a été construite entre les deux villages en 1978. Les deux communautés et Ro'i sont dans la « Zone C » de la Cisjordanie, sur laquelle Israël garde un contrôle quasi-total, selon les accords d'Oslo de 1995.
« Il est sidérant de voir qu'Israël expulse des palestiniens de leurs villages de Cisjordanie, en violation totale des droits de la population occupée, tout en permettant à une colonie qui n'aurait jamais du être construite selon la loi, de demeurer en place. » a déclaré Mme Whitson.
Me Jabarin a déclaré que le 9 juin, la Haute Cour de justice israélienne a enjoint l'état de renoncer temporairement à la destruction des démolitions de maisons et propriétés appartenant aux personnes qui demeurent à Ar-Ras al-Ahmar. Dans la communauté d'Al-Hadidyya, sept familles qui avaient reçu des ordres de cesser la construction auront la possibilité de faire appel et de demander des permis de construire lors de l'audience.
Selon l'office de coordination des affaires humanitaires (OCHA), en décembre 2006, la Haute Cour de justice israélienne a rejeté une pétition contre des ordres de destruction de maisons à Al-Hadidiyya, au motif que les bâtiments touchés étaient situés dans une zone définie comme agricole au regard du plan de développement de la période du mandat britannique et représentaient une menace à la sécurité de la colonie voisine de Ro'i. Les autorités israéliennes ont démoli des maisons à Al-Hadidiyya en février et mars 2008, déplaçant 60 personnes en tout. Certaines des familles déplacées sont retournées sur place plus tard, mais, à cause des expulsions répétées, plus d'une douzaine de foyers à Al-Hadidiyya ont été déplacés de façon permanente.
Alors qu'Israël, en tant que puissance occupante de la Cisjordanie, peut dans certains cas demander de façon légale à des résidents de quitter leurs maisons, il ne peut le faire de manière arbitraire et doit accorder aux personnes visées le droit à des procédures sérieuses. L'article 17 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP), parmi d'autres traités dont Israël est un état partie et qui s'appliquent à la Cisjordanie, interdit toute interférence étatique arbitraire ou illégale dans la maison d'autrui.
La politique israélienne de démolition des maisons des résidents palestiniens de Cisjordanie, qui autorise la construction et le développement de colonies alentour, est discriminatoire. Cette discrimination est prohibée par l'article 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et codifiée dans les traités majeurs ratifiés par Israël, y compris le PIDCP, le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC), la Convention Internationale sur l'Elimination de toutes les Formes de Discrimination Raciale (CIEFDR) et la Convention relative aux Droits de l'Enfant (CDE).
Les démolitions continuelles de maisons empêchent les résidents de Cisjordanie de profiter pleinement de leur droit à un logement décent. Dans son Observation générale n0 4, le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels, qui surveille l'application par les Etats parties à la CIEFDR, a statué qu'« il ne faut pas entendre le droit au logement dans un sens étroit ou restreint, qui l'égale, par exemple à l'abri fourni en ayant simplement un toit au-dessus de sa tête, ou qui le prend exclusivement comme un bien. Il convient au contraire de l'interpréter comme le droit à un lieu où l'on puisse vivre en sécurité, dans la paix et la dignité. »
Certaines des personnes déplacées d'Ar-Ras al-Ahmar avaient déjà été déplacées précédemment. Un des clients de Me Jabarin, Abderrahim Hossein Bisharat, a déménagé à Ar-Ras al-Ahmar après que les autorités israéliennes aient démoli deux fois sa maison dans le village voisin d'Al-Hadidiyya, dont la plus récente en 2008.
Contexte et explications
Selon Bimkom, une organisation israélienne non gouvernementale spécialisée dans les questions de planification et d'aménagement du territoire, les palestiniens de Cisjordanie construisent bien souvent leurs maisons sans demander auparavant les permis nécessaires car le processus est cher, peut prendre très longtemps et est généralement infructueux. Israël a refusé 94 pourcent des demandes de permis de construire en Cisjordanie entre 200 et 2007, selon les Nations Unies (OCHA) et environ 3000 ordres de démolition sont toujours en attente d'exécution en Cisjordanie, sans compter ceux à Jérusalem-est. En 2009, avant les démolitions à ar-Ras al-Ahmar, Israël a démoli 27 structures palestiniennes en Cisjordanie, déplaçant 120 personnes.
Plus tôt en mai, l'OCHA a rapporté que les autorités israéliennes avaient délivré sept ordres de cesser les travaux pour des constructions à Khirbet Samra, au nord d'Al-Hadidiyya, touchant 35 personnes, dont 22 enfants ; et six ordres de démolition qui laissaient à 25 personnes, dont 15 enfants du gouvernorat de Qalqiliya, moins de 48 heures pour évacuer. Leurs maisons peuvent être démolies à tout moment.
Abou Ahmad, un résident d'Ar-Ras al-Ahmar de 62 ans, était en visite dans le village voisin de Tammun lorsqu'un parent l'a appelé pour lui dire que sa maison était en train d'être détruite. Ahmad a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait essayé de rentrer mais que des soldats israéliens l'en ont empêché jusqu'à 10h, moment où il était trop tard pour agir. « De mes biens, ils ont détruit un réservoir à eau, trois enclos à moutons et deux tentes, » a-t-il déclaré. « Nous étions dix à vivre ici. Maintenant notre maison est détruite, et nous n'avons nulle part où aller. Nous avons du tendre des bâches en plastiques au dessus de l'endroit où était notre maison. » Abou Ahmad a ajouté qu'il avait du déménager à Ar-Ras al-Ahmar après que les autorités israéliennes aient détruit son habitation à Al-Hadidiyya, en 2008.
Le fils d'Ahmad de 28 ans, Salah Abdallah Bisharat, vivaient dans le foyer de son père lorsque la maison a été démolie. Il a déclaré à Human Rights Watch qu'un bulldozer et 14 jeeps de l'armée israélienne étaient arrivés à 8h du matin à la résidence familiale. Les soldats leur ont ordonné de quitter la maison, y sont entrés, et ont sorti certains des meubles et objets, les ont mis de coté et ont démolis la maison et les enclos à moutons. M. Bisharat vit maintenant avec sa femme et ses trois enfants dans une tente à 200 mètres du site de la démolition.
Fathi Khodirat, un travailleur social au centre de développement Ma'an, a été témoin des démolitions du 4 juin au matin. Il a déclaré à Human Rights Watch :
« Les soldats ont tout renversé ; ils ont même confisqué le tracteur qui appartenait à quelqu'un qui passait juste collecter les déchets des animaux pour les utiliser comme engrais. Mais ces personnes ne peuvent pas quitter la zone. Ils dépendent à 100% de l'élevage des animaux. Certains d'entre eux ont emménagé ici après que leurs maisons aient été démolies dans des villages avoisinants. Aujourd'hui, ils vivent toujours ici, ou quelques centaines de mètres plus loin, et ils n'ont rien. »
Les autorités israéliennes ont démoli de façon continue des maisons ou des propriétés palestiniennes à Al-Hadidiyya dans les années précédentes. Abou Saqqir, un homme de 59 ans né dans ce village, a déclaré à Human Rights Watch :
« Dans mon cas, ils ont démoli ma maison quatre fois. Maintenant, nous avons seulement quelques planches de bois et une tente pour y vivre. »
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